Bonjour Alexandre, pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?

" Je travaille pour Eden 62, qui dépend du Département du Pas-de-Calais et qui s’occupe des Espaces Naturels Sensibles. Plus spécialement des deux terrils qu’on appelle ici « le Pays à part », situés sur 3 communes, dont Haillicourt.

Avec l’équipe, on travaille sur la faune et la flore, présentes sur les terrils et les zones qui les entourent. Les anciens espaces où les mineurs venaient déverser les gravats, les boues d’extractions, tout ce qui ne pouvait pas être exploité.

Quand il a été décidé de préserver les terrils qui servaient de décharge sauvage et de terrain de moto cross, nous avons travaillé sur ces 500 à 600 hectares. Un travail qui se poursuit tous les jours pour protéger, préserver et restaurer les espèces qui vivent sur ce terrain stérile si particulier ".

On ne travaille pas juste pour préserver des petites bêtes, mais pour les gens, ces gens qui ont façonné le paysage. Et ça, ça n’a pas de prix.

Alexandre

Quel est l’endroit que vous préférez ? Le lieu secret où vous venez quand vous êtes tout seul, juste pour votre plaisir ?

" Sans hésiter, quand je suis au petit matin, au pied de ces deux masses noires et imposantes. Le soleil se lève, éclaire en rasant les masses noires des deux terrils, et au pied, la brume monte doucement des anciennes zones humides, les " bacs à schlamm " (de l’allemand, boue, vase).

J’ai toujours envie de montrer ce moment aux gens qui ne connaissent les terrils qu’au travers des photos… C’est imposant, mystérieux, encore vivant ".

Qu’est-ce que cet endroit a de si particulier selon vous ?

" C’est un terrain stérile. Parce que tout ce qui a été déposé ici venait de 700 mètres sous terre et avait été filtré, nettoyé pour en extraire le charbon. Parce qu’il vient des profondeurs, c’est un truc qui a 60 millions d’années ! Qu’on ne voit nulle part ailleurs. Et sur cette matière stérile, figurez-vous que des plantes ont commencé à pousser ! On appelle cela un « habitat de steppe ». Des pavots cornus, des espèces rampantes, comme sur les dunes de bord de mer.

Dans ces " espèces pionnières ", une faune est aussi apparue : des micromammifères, des papillons, 15 espèces de coccinelles, des batraciens…

On a aménagé dans ce milieu, sur les anciennes bandes de roulement, des sentiers balisés pour que les gens puissent s’y promener en respectant la vie, sans la piétiner ni l’abimer ".

Un souvenir, fort. Vous avez une image, une sensation qui vous est restée ?

" J’ai rencontré plusieurs fois un monsieur, assez âgé aujourd’hui. Il avait travaillé ici, à la mine jusque dans les années 80, puis il est parti sur Bordeaux. Il a un peu de mal à se déplacer. Mais il revient tous les ans, comme pour une sorte de pèlerinage : monter ses 184 mètres. À chaque fois, c’est un peu plus long, il ne parle pas, mais on sent bien que son émotion est immense.

Plus généralement, je suis toujours frappé de voir les gens d’ici et leur attachement à ce lieu. C’était un lieu de travail, de labeur, difficile. Aujourd’hui, ils savent qu’il est sauvé, qu’il va rester en l’état, pour témoigner de leur vie, que rien ne va disparaître. En plus, quand vous êtes là haut, c’est magnifique… On voit la « chaîne des terrils » comme on dit ici. Savoir qu’un endroit de travail est devenu un lieu de promenade, c’est émouvant pour nous… " 

Merci Alexandre !

Plus d'informations sur les terrils du Pays à part ici